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Comment les États-Unis sécurisent-ils leur approvisionnement de cobalt en RDC ?

Le projet est "est tout à fait conforme aux objectifs géopolitiques des États-Unis"déclare Roya Rahmani, vice-présidente de Delphos International, une société d'investissement basée aux USA. C'est dans un bureau de New York que se rencontrent le 26 septembre 2023 autour d'une même table l'ancienne ambassadrice afghane passée dans le privé, le CEO d'une entreprise minière congolaise et le président Félix Tshisekedi. Les entreprises américaines ont besoin de cobalt, le sous-sol congolais en recèle 70% des réserves connues et les élections en RDC approchent à grands pas. De quoi aligner des intérêt politiques et économiques, un deal gagnant gagnant.



Un marché américain gourmand en cobalt

La croissance c'est de l’énergie! Et si les USA dépendent encore largement d'énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre, notamment du pétrole avec 36% de l'énergie consommées ou encore du gaz, l'Administration Américaine affiche des ambitions claires : "D'ici 2050, les sources d'énergie renouvelables devraient fournir 42 % de l'électricité des États-Unis, contre environ 20 % aujourd'hui."


En août 2022 est donc votée l'Inflation Reducation Act [pour le moment en suspens au parlement raison d'un potentiel shutdown], qui permet l'investissement, par prêts ou subventions de 369 milliards USD notamment dans les nouveaux marchés de la transition énergétique : véhicule électrique, panneaux solaires, transformateurs, pompes à chaleur ou éoliennes.


Le ton est donné, et la machine est lancée. Le marché des technologies de transition énergétique est en plein boom : les voitures électriques avec près 3 millions de véhicules en circulation sur le sol américain connaissent une hausse de 40 % par rapport à 2021, sur un marché estimé à 28 milliards USD. Les panneaux solaires ont connu un taux de croissance annuel moyen de 24 % sur les 10 dernières années alimentant en 2022 environ 27 millions de foyers avec l'ambition de porter la production totale de 153 GW à 375 GW d'ici fin 2028. Quant aux stratégiques transformateurs et composants de réseau, la demande d’après le US Department of Energy devrait augmenter de 60 % d'ici à 2030 et pourrait être triplée d'ici à 2050 pour répondre aux besoins du pays.


Le marché américain des technologies de transition énergétique faites de batteries pour le stockage d'électricité, d'aimants ou encore de noyaux magnétiques dépend cependant de l'approvisionnement en métaux stratégiques pour fabriquer ces nouveaux outils. Le boom de ce marché accroît la demande en métaux, notamment de cobalt. Problème, les USA en exploitent trop peu pour leur marché intérieur.



D'une dépendance à l'autre

Le US Department of Energy et le U.S. Geological Survey (USGS) ont ainsi présenté en 2022 une liste des métaux critiques selon leur importance dans la production énergétique et le risque d'approvisionnement d'ici à 2035. Le cobalt figure dans la tête du peloton. Les USA en ont importé environ 9,900 tonnes en 2021 d’après le USGS. La valeur valeur totale estimée du cobalt consommé en 2021 était de 340 millions de dollars. Les principaux pays d'importation sont La Norvège avec 20%; Canada, 16%; le Japon, 13%; et la Finlande 11%. Alors que la RDC produit 70% de la production totale de cobalt avec 120,000 tonnes en 2021 et posséderait 3,5 millions de tonnes en réserves, les américains se tournent de plus en plus vers cet immense pays d'Afrique Centrale. "L'Afrique a la forme d'un revolver dont la gâchette se trouve au Congo" disait Frantz Fanon.



Les deux mains dans le cobalt

EVelution Energy dirigée par Navaid Alam, prévoit de construire une usine de sulfate de cobalt dans l’État de l'Arizona afin de produire des batteries pour le marche américain des véhicules électriques. L'entreprise américaine cherche donc à s'approvisionner en cobalt. Début octobre 2023, elle signe donc un accord avec le groupe Eurasian Resources (ERG), basé au Luxembourg, pour lui acheter 3,000 tonnes de cobalt par an pendant cinq ans à partir de 2026. Le cobalt est extrait à la mine de Boss Mining près de Lubumbashi, Kakanda et Luita, puis sera acheminé à l'usine de traitement Metalkol qui transforme le cobalt en hydroxyde de cobalt. EVelution achètera ainsi cet hydroxyde pour le transformer en sulfate de cobalt, dans sa future usine d'Arizona. Ce sulfate de cobalt se retrouvera enfin dans l'un des 3 millions de véhicules électriques en circulation sur le sol américain.


Benedikt Sobotka, directeur général de la ERG, a ainsi déclaré en marge du LME Week à Londres: " Cette collaboration soutient la transition vers l'énergie verte et devrait également contribuer à apporter au marché américain une capacité de raffinage du cobalt qui fait cruellement défaut". En effet, le CEO de cette entreprise qui appartient au groupe Kazakh ENRC, a raison, actuellement, il n'existe aucune installation de traitement du cobalt à l'échelle commerciale aux États-Unis, et plus de 70 % de la production mondiale de sulfate de cobalt est basée en Chine. De quoi inquiéter les défenseurs de la souveraineté industrielle des États-Unis.


C'est donc dans cette même perspective que Delphos International souhaite investir 350 millions USD dans Buenassa SARL, une entreprise congolaise dirigé par Eddy Kioni avec l'objectif est de rediriger toute la production artisanale vers un site de raffinerie gérée par Buenassa. L'entreprise congolaise travaillerait donc de concert avec l'Entreprise Général du Cobalt (EGC), dirigée depuis juin 2023 par Eric Kalala Nsantu. Filiale de la GECAMINES créée en 2019 et EGC a reçu pour mandat de l’État d’exercer un monopole d’achat sur le cobalt issu de l’exploitation artisanale nécessitant une transformation préalable à son exportation avant de le commercialiser. Jusqu’à présent, l'EGC ne s'est pas encore exprimée sur cet éventuel partenariat.




Un soutien américain avant les élections ?

Ces deux entreprises travaillent de concert avec l’État congolais, que ce soit par la création de Joint-Venture avec la GECAMINES, par l'attribution de permis et d'autorisation, par l'opérationnalisation des mines et le transport des produits ou enfin par le paiement des taxes. Ces contrats qui rentrent dans les caisses des entreprises privées viennent donc alimenter les différents trésors d'un État qui se prépare à une prochaine élection.

Rencontre entre Antony Blinken et Félix Tshisekedi, le 9 août 2022.

Le président sortant Tshisekedi se représente en effet pour l’élection présidentielle prévue en décembre 2023 dans un contexte politique difficile en particulier avec les violences armées dans l'est du pays. Une élection que les américains soutiennent ouvertement. L'ambassade américaine basée à Kinshasa représentée par Lucy Tamlyn déclare le 5 septembre 2023 : Les États-Unis d'Amérique reconnaissent les efforts continus des parties prenantes aux élections en République démocratique du Congo pour assurer que ce cycle électoral soit inclusif, transparent et pacifique. Nous apprécions les efforts constants de la Commission électorale nationale indépendante pour respecter son calendrier électoral et notons que les inscriptions des candidats aux élections législatives et locales ont été globalement menées à bien, même si des difficultés subsistent dans certains territoires.


De plus, les États-Unis ont également récemment soutenu le président Tshiskedi dans la lutte armée à l'est du pays et ont "appelé le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23 et réitéré la nécessité pour tous les acteurs étatiques de cesser de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et d'autres groupes armés non étatiques."


Les américains ont en effet tout intérêt à préserver une forme de stabilité dans la région, d'autant qu'ils y injectent de plus en plus d'efforts comme avec l’investissement dans le Lobito Railways, afin de sécuriser leur approvisionnement en métaux essentiels à leur industrie, dont le fameux et stratégique cobalt.


- David Briand

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