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Où sont les 400 millions de dollars de la Gécamines ?

Selon un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), l’agence anti-corruption de la République Démocratique du Congo dirigée par Jules Alingete Key, plus de 400 millions de dollars d'avances fiscales et de prêts que la société minière publique, la Gécamines, a déclaré avoir versés au Trésor public sont introuvables.


Les premières conclusions du rapport de l'IFG


En septembre 2021, l'IGF lance un vaste audit des contrats et livres comptables de la Gécamines sur la période de 2012 à 2020.

Selon l’agence anti-corruption, « de 2012 à 2020, les partenaires de la Gécamines ont réalisé un chiffre d’affaires global évalué à 35 milliards de dollars alors que cette dernière n’a reçu que 564 millions » de royalties, soit 1,6 %. Sur la base d’un taux évalué à 2,5 % de redevance, le manque à gagner pour la période 2012-2020 est de plus de 360 millions de dollars, estime l’IGF.

L'IGF évoque un contrat signé en janvier 2015 entre la Gécamines, Africa Horizons Investment LTD (AHIL) et Kamoto Copper Company (KCC) au terme duquel les royalties générées par les 2,5% du chiffre d’affaires net de KCC sont cédés à AHIL, filiale du groupe Fleurette de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler. "Pour la période 2015-2020, cette cession aurait fait gagner à AHIL plus de 87 millions de dollars, un montant, précise l’IGF, qui aurait pu profiter à la Gécamines."


La Gécamines a présenté aux auditeurs de l'Inspection générale des finances (IGF) des comptes faisant état d'avances fiscales et de prêts à l'État congolais de plus de 591 millions de dollars, mais seuls 178 millions de dollars ont pu être retracés jusqu'aux comptes du Trésor public selon l'agence Reuters.

Le rapport, qui date du 31 mai mais qui n'a pas été rendu public, indique que les 413 millions de dollars manquants sont présumés avoir été détournés et que les auditeurs vont poursuivre leurs investigations. Il ne précise pas quand les avances et les prêts en question ont été effectués. Le rapport indique qu'un autre montant de 175 millions de dollars versé à la Gécamines à titre de prime de signature pour un projet de cuivre et de cobalt n'a pas pu être retracé jusqu'au Trésor Public non plus, et reproche à la société de ne pas avoir évalué de manière indépendante les niveaux des réserves minérales de ses coentreprises avec des investisseurs étrangers.

Enfin, certains "pas-de-porte" accordés à des entreprises étrangères créent également un manque à gagner très important pour le Trésor Public comme dans l'affaire opposant le DoJ et Glencore. L’opacité des contrats miniers est régulièrement dénoncée par l'association Congo n'est pas à vendre (CNPAV)


Passé trouble et remaniement à l’ère Tshisekedi


En septembre 2021, l'IGF lance un vaste audit des contrats et livres comptables de la Gécamines sur la période de 2012 à 2020 alors que Albert Yuma Mulimbi, un proche du président de l’époque Joseph Kabila, dirigeait la société d’État. En novembre 2021, sortent les révélations des premières conclusions de « Congo Hold-up », une vaste enquête menée par un consortium de 19 médias et ONG qui incrimine l’ancien président Joseph Kabila, sa famille et des proches. Selon Congo Hold-up, au total, près de 140 millions de dollars auraient été détournés entre 2013 et 2018 au profit de proches de l’ancien chef de l’État. En décembre 2021, Albert Yuma Mulimbi, figure importante de la vie économique et politique congolaise, est remplacé sur ordonnance du président Tshisekedi par Alphonse Kaputo Kalubi. Le 8 juin 2022, une nouvelle accusation est portée par la justice française. L’enquête préliminaire porte sur des faits de « blanchiment aggravé de détournement de fonds publics » en lien avec BGFIBank Europe, installée à Paris et autorisée à mener des transactions internationales en devises pour le compte du "clan Kabila".

Depuis ces révélations et cet audit de l'IFG qui se poursuit, le président Félix Tshisekedi a remanié la direction de la Gécamines, remplaçant les cadres les plus étroitement liés à de précédentes allégations de corruption notamment avec l’arrivée du président Alphonse Kaputo Kalubi, Ntambwe Ngoy Kanbogo à la direction générale, et de Léon Mwine Kabiena, nommé directeur général adjoint.


Ces changements de cadres de direction et ces révélations de corruption ou détournement de fonds publics se déroulent sur une trame de fond géopolitique entre les États-Unis et la Chine. Avant que l'IFG ne lance un audit sur la Gécamines, le président Tshisekedi avait demandé à Antoinette N’samba, ministre des mines de réviser les contrats miniers passés avec la Chine. Ainsi Kaputo Kalubi et Ntambwe Ngoy Kabongo avaient participé à la commission d’enquête chargée d’évaluer les retombées pour la Gécamines du projet de Tenke Fungurume Mining, détenu à 80 % par le groupe China Molybdenum Co (CMOC). En mars 2022, le tribunal de commerce de Lubumbashi, chef-lieu du Katanga, a nommé un administrateur provisoire à la mine. Cette décision retire la gestion au directeur général actuel, Jun Zhou, représentant l’actionnaire chinois au profit de Sage Ngoie Mbayo, mandataire de la Gécamines. Le remplacement d'Albert Yuma en décembre 2021, sinophile assumé, et le remplacement de certaines cadres de la Gécamines, offrent une vision plus favorable pour les américains dans la région du Katanga hautement stratégique.


La Gécamines produisait près de 500 000 tonnes de cuivre par an à son apogée dans les années 1980, mais elle s'est depuis lourdement endettée et a vendu ses participations majoritaires dans les principales mines. Le Congo est le premier producteur africain de cuivre et le premier mineur mondial de cobalt, qui est utilisé notamment dans les batteries de stockage électriques.

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