Depuis les dernières années, la plupart des gouvernements se sont dotés d’objectifs de neutralité carbone en passant notamment par une transition énergétique basée sur les énergies renouvelables : éolien, nucléaire, solaire, ou encore hydrogène. Cette transition est structurellement métallique et requiert une augmentation substantielle en approvisionnement de cuivre, lithium, nickel ou encore cobalt, métaux nécessaires à différents usages tels que l’électrification des mobilités ou la réduction de l’utilisation des énergies fossiles.
L’extraction minière est donc au cœur de cette transition métallique, imposant des questions sur les impacts environnementaux et sociaux, la justice et la redistribution de la richesse, les règles de bonne gouvernance ou encore l’artisanat minier.
De l’Arctique canadien au désert sahélien en passant par les montagnes de Nouvelle-Calédonie, le forum Mining the Connections organisé à Marrakech du 21 au 23 mai 2024 abordera ces enjeux. Pour nous en parler, nous recevons Thierry Rodon, chercheur principal du réseau MinErAL, professeur à l’Université Laval et organisateur de la deuxième édition de Mining the Connections. Il revient pour nous sur les objectifs de ce forum et l’importance d’aborder le secteur minier de manière pluridisciplinaire.
Minière Africaine : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce forum ?
Thierry Rodon : Mining the Connections explore les nombreux liens entre les développements miniers, les communautés locales, les transitions et l'environnement dans une perspective interdisciplinaire. Elle est le fruit de la collaboration entre plusieurs réseaux de recherche, MinErAL pour le Canada, AMIR et SESAM pour le Maroc et RAMR2D pour l’Afrique de l’Ouest.
MA : Quels sont les objectifs de cette conférence ?
TR : Comme son nom l’indique, Mining the Connections a pour objectif de mettre en lien les chercheurs, les communautés, les gouvernements et les minières. Lors de sa deuxième édition qui se déroulera à Marrakech du 21 au 23 mai 2024, nous aurons 17 sessions, 7 tables rondes et un total de 102 présentations avec des présentateurs africains, sud-américains, européens, australiens, néo-calédoniens et canadiens. Nous aurons également plusieurs conférences spéciales, dont celle de Rosa Galvez, sénatrice canadienne, qui nous parlera des enjeux miniers de la transition énergétique et celle de Rokhaya Samba Diene, directrice générale du service géologique national du Sénégal, qui abordera la question du genre dans l’industrie minière.
MA : Quels sont les liens entre les régions arctiques et l’Afrique subsaharienne ?
TR : Le lien le plus évident passe par les compagnies minières qui sont actives dans toutes les régions du monde, ainsi Glencore qui opère la mine Raglan dans l’Arctique canadien est aussi présente en Nouvelle-Calédonie, en Amérique du Sud, en Australie et en Afrique.
De plus, bien que le contexte légal et politique soit très différent entre les pays, en revanche, les impacts environnementaux et sociaux des activités minières sur les communautés locales sont très semblables. La différence se situe surtout dans la façon dont ces impacts sont gérés. Nous aurons d’ailleurs des Sud-Américains, des Néo-Calédoniens, des Africains et des Canadiens qui nous parleront de ces impacts.
MA : Pourquoi est-ce important de parler du secteur minier en 2024 ?
TR : On oublie trop souvent que la transition énergétique est basée sur une augmentation de l’approvisionnement en minéraux dits critiques, que ce soit pour les batteries ou les équipements pour créer de l’énergie (éoliennes et panneaux solaires). Ces minéraux sont critiques, car ils sont contrôlés par la Chine et les pays occidentaux veulent s’assurer de contrôler l’approvisionnement. La plupart des pays occidentaux se sont dotés d’une stratégie sur les minéraux critiques et stratégiques qui vise à accélérer le développement des projets miniers. Cette course aux minéraux entraîne une augmentation importante de l’activité minière, notamment en Afrique, mais aussi en Europe, en Amérique du Sud et au Canada. Cela crée de nombreuses tensions avec les communautés locales, notamment dans le cas du lithium au Chili et en Amérique du Sud et de la mine de cuivre Nussir en Norvège.
Retrouvez toutes les informations concernant Mining the Connections, ainsi que le programme et les formalités d’inscription sur le site internet du forum.
Nous remercions chaleureusement Thierry Rodon de nous avoir accordé cette interview.
Propos recueillis par David Briand