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Guinée : la nouvelle Loi de Contenu Local expliquée par Me. Amadou Barry


Me. Amadou Barry

Le 21 octobre 2022, était publiée au Journal Officiel de la République de Guinée, la loi L/2022/010/CNT portant Contenu Local en République de Guinée votée par le Conseil National de Transition (CNT). Cette loi sur le contenu local fait écho à des changements profonds initiés par le Président de la transition Mamadi Doumbouya depuis sa prise de pouvoir le 5 septembre 2021. Cette nouvelle loi pourrait avoir des conséquences majeures sur les acteurs du secteur minier en République de Guinée. Faisons le point sur son contenu avec Me. Amadou Barry du cabinet Thiam & Associés et avocat aux Barreaux du Québec et de Guinée.






Contexte politique


En avril 2022, le Président de Transition, le Colonel Doumbouya, convoquait les représentants des entreprises minières présentes en Guinée. Le nouvel homme fort de Conakry avait alors rappelé aux entreprises minières la volonté de l’État guinéen d’avoir des usines de transformation sur place. Pour rappel, la Guinée a produit 82.4 millions de tonnes de bauxite en 2021 soit 3,3 milliards de dollars US d'exportation. La bauxite une fois extraite du sol guinéen est envoyée principalement en Chine, pour 70% des exportations, pour y être transformée en aluminium. Le Président de transition qui souhaitait voir cette matière première transformée sur place avait alors donné un calendrier précis aux entreprises minières pour présenter leur plan d'implantation d'unités de transformation en juin dernier. L'objectif pour le Président de la transition est alors de replacer les intérêts de la Guinée au centre de l'industrie minière en faisant de ce pays d'Afrique de l'Ouest l'un des plus doté en bauxite au monde un acteur majeur du secteur de l’aluminium.

Ainsi, le pouvoir de Conakry à travers ses départements miniers tente depuis un an de reprendre la main sur le secteur minier, par exemple en faisant nommer des administrateurs de l’État auprès de la Compagnie des Bauxites de Guinée ou en faisant nommer un nouveau DG à la tête de l'AGB2A. Cette volonté s'accompagne aujourd'hui d'un texte législatif contraignant concernant le contenu local qui pourrait avoir des conséquences importantes pour les opérateurs miniers et investisseurs étrangers.


La loi sur le Contenu Local

La loi L/2022/010/CNT portant Contenu Local en République de Guinée votée par le Conseil National de Transition et publiée au Journal Officiel en octobre 2022 contient selon Amadou Barry des dispositions essentielles dont les modalités restent à préciser mais avec des impacts importants pour les acteurs miniers. Si la loi rehausse les seuils concernant les partenaires/employés locaux obligatoires dans les projets miniers, notamment les exigences concernant les sous-traitants et co-traitants, le nouveau texte contient des innovations majeures selon Amadou Barry.


Pour l'avocat guinéen l’accent peut être porté sur les trois points essentiels suivant au titre des innovations :

1) La nouvelle loi sur le contenu local imposerait en vertu de l'article 12.4 de construire des unités de transformation. Selon Amadou Barry "les projets qui atteignent certains seuils et qui impliquent l’extraction de minerais dans le cadre de co-traitance, devront mettre en place une unité de production industrielle dont 34 % du capital est ouvert aux industriels locaux." Ce dispositif s'inscrit dans la volonté de transformation de la matière première et d'ajout de valeur indiquée par le Président de la transition en avril dernier. Cette mesure pourrait avoir des conséquences très importantes sur les investissements et les opérations minières dans le pays. L'installation d'une unité de transformation implique nécessairement un investissement et des coûts supplémentaires tant pour la mise en place de l'usine que pour son accès à l’énergie. En effet, lors des réunions avec le Président Doumbouya, les industriels avaient évoqué l'enjeu très important de l’accès à l'électricité nécessaire pour la mise en place de telles infrastructures. Les seuils impliquant la construction d'unités de transformation locales restent encore à définir.


2) Le second article qui pourrait avoir des conséquences très importantes sur le secteur minier est selon Amadou Barry l'article 21 sur "l'exploitation minière". Celui-ci indique que "dans le cadre de l'exploitation des minerais, les opérateurs détenteurs de permis concluent, avec une ou des entreprises minières guinéennes, sélectionnée(s) au moyen d'un appel d'offres privé, des contrats qui auront pour objet l’extraction des minerais, pour un volume égal au moins à 40 % de la taille des gisements." Pour l'avocat guinéen, cette disposition risque de soulever diverses problématiques pratiques lors de sa mise en œuvre. Bien que l’article précise que l’objet de ces contrats porte sur l’extraction des minerais et que le volume portera sur 40 % de la taille du gisement, les détails et l’étendue de tels contrats restent à déterminer. Il pourrait s’agir pour les acteurs étrangers de trouver des partenaires locaux à hauteur de 40 % de la valeur de l'actif minier. Cette disposition créerait un bouleversement très important au sein de l'industrie obligeant donc les opérateurs à revoir leur projet d’exploitation. Amadou Barry précise donc qu “il reste à voir les modalités précises d’exécution qui permettront de définir réellement l'application de cet article.” Il précise par ailleurs que “ces contrats doivent au préalable être soumis à une autorité nationale de régulation et de contrôle du contenu local pour approbation.

3) Enfin, la loi sur le contenu local prévoit la mise en place d'une superstructure, l'Autorité de Régulation et de Contrôle du Contenu Local (ARCCL), sous l’égide de la Présidence de la République, chargée de réguler et contrôler la mise en place des dispositions de la nouvelle loi. L'ARCCL qui devrait travailler directement avec les partenaires miniers aura la possibilité d’émettre des certificats de conformité au contenu local qui seront nécessaires lors des processus de renouvellement de permis et autorisations. Pour Amadou Barry, “ces certificats de conformité auront un pouvoir contraignant puisqu’ils seront désormais requis pour renouveler des licences et autres permis nécessaires à la poursuite de certaines opérations. L'article 12 concernant l'obligation selon un certain seuil de construire des unités de transformation, l'article 21 concernant la nécessité de conclure des contrats relatifs à l’exploitation minière avec des partenaires locaux et la mise en place d'une autorité de contrôle et de régulation rattachée à la Présidence de la République de Guinée semblent donc répondre aux exigences du Président Doumbouya qui souhaite reprendre la main sur le secteur minier guinéen. Ces dispositifs pourraient avoir des conséquences importantes sur les investisseurs et opérateurs miniers tant sur les coûts, que sur les droits d’exploitation liés à leur titre, mais également sur le choix des partenaires et la continuité de leurs opérations. Il reste cependant à définir les modalités d'application notamment des seuils afin de bien comprendre ce à quoi les acteurs miniers devront se conformer dans les prochains mois.

Nous remercions généreusement Amadou Barry du Cabinet Thiam & Associés et avocat aux Barreaux du Québec et de Guinée pour son temps et ses explications.

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